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La société sans état

Publié le 27 février 2021

Les états ont toujours eu le souci de contrôler les populations ne serait-ce que pour prélever l’impôt, vérifier l’application des lois etc. C’est dans la nature de l’état. Pendant très longtemps ils n’ont pu satisfaire qu’imparfaitement cette ambition par manque de moyens humains et techniques. Depuis le dix neuvième siècle, les innovations technologiques se multiplient donnant enfin aux états les moyens de satisfaire leur désir de tout contrôler, tout surveiller : cartes d’identité, passeports, visas, fichiers anthropométriques, vidéo-surveillance, écoutes téléphoniques, biométrie, fichages...

La liste est longue et on n’en finirait pas de l’égrener , et bien entendu les états ont fait évoluer leur législation pour tirer le meilleur parti de ces inventions. Même si l’état nous dit qu’il prend ces mesures pour notre bien, pour nous protéger, parce qu’il y est contraint par la dure réalité du monde, tous les citoyens s’accordent pour dire que dans les faits elles signent à chaque fois une diminution de nos libertés réelles . Et c’est bien sur pour nous protéger, pour lutter contre la pandémie, que l’état macronien (lui comme les autres) restreint depuis plus d’un an les libertés individuelles et atteinte à tous les droits les plus fondamentaux des personnes. Nos libertés de se déplacer, de se réunir, d’aller et venir à notre guise ne sont plus qu’un souvenir. Face au déluge d’injonctions, de lois,de sanctions dont nous abreuvent les pouvoirs en place, nous nous sentons comme de minuscules lilliputiens dans la main d’un géant terrifiant.

Jamais sans doute les paroles des penseurs anarchistes du dix neuvième siècle Proudhon, Reclus ... fustigeant la volonté des états de nous soumettre pieds et poings liés à sa volonté n’ont paru autant d’actualité. Le poids de l’état est devenu si lourd que la majorité de la population aujourd’hui partage ce sentiment que cette période marquée par une restriction de nos libertés comme on n’en avait jamais connu est devenue insupportable. Les gens étouffent et souvent on entend des expression comme « l’état nous considère et nous traite comme des enfants » ou « je vis très mal cette situation » ou « ces mesures sont absurdes » ou « nous sommes dans une dictature sanitaire ».

Pourtant, aucun signe de révolte à l’horizon, la multitude courbe les épaules, certains râlent un peu plus fort, très peu agissent ou tentent de s’opposer. C’est que pour l’immense majorité de la population, l’état est absolument indispensable au bon fonctionnement de la société. Une société sans état est pour eux une horreur, une abomination, une impossibilité. L’état peut bien prendre des mesures à l’évidence contraires à leurs intérêts, dangereuses voire même catastrophiques, rien n’y fait. On a beau expliquer que des sociétés sans état ont existé , que même ces sociétés sans état, sans hiérarchie, sans domination et sans exploitation ont fonctionné pendant la majeure partie de l’histoire humaine, ils restent soumis comme des agneaux qu’on conduit à l’abattoir.
Pour le commun des mortels, il n’y a pas de société sans état, sans un pouvoir central, organisateur et dominateur en chef, un pouvoir qu’ils imaginent comme un protecteur, une sorte de super père dont ils seraient les enfants.

Bien entendu, l’état en prenant des mesures fait tout ce qu’il peut pour entretenir cette idée dans la tête des gens mais la réalité n’a rien à voir avec cette vision. Tous les anthropologues sont d’accord, l’état a été inventé il y a quelques millénaires pour protéger la classe des dominants, pour assurer sa domination sur le reste de la société et à travers les siècles il a merveilleusement rempli ce rôle. L’état est totalement au service des maîtres, des possédants, et il fait en sorte de neutraliser par la force ou la ruse tout ce qui pourrait menacer l’ordre social existant . Et c’est pour assurer au mieux cette fonction de protection de l’ordre existant que depuis sa naissance l’état cherche sans cesse à développer et perfectionner ses instruments de contrôle de la société. Sa volonté est de tout connaître, tout surveiller, tout contrôler, d’inspirer la peur en sanctionnant sans pitié pour éviter que les classes dominées, celles qui produisent les richesses dont se gavent les dominants se révoltent et mettent à bas l’ordre inique qu’il protège.

Peu importe en réalité, et l’histoire a abondamment démontré la nature de la classe dominante. Que le régime soit une royauté absolue, une république bourgeoise de droite ou de gauche, une dictature militaire d’extrême droite, une démocratie populaire ou une dictature prétendument socialiste ou communiste, l’état est toujours au service des vainqueurs. Lors d’un changement de régime, la police ne change pas ; ses nouveaux maîtres peuvent bien lui demander de pourchasser ses anciens patrons ; elle le fera sans état d’âme. C’est un simple jeu de chaises musicales : Staline donnait comme preuve de la félonie de Trotski le fait qu’en tant que ministre des armées, il avait laissé les anciens généraux tsaristes à leurs postes. Il oubliait de dire que lui même, alors en charge de la police avait conservé intact tout l’appareil policier de l’ancien régime, il avait besoin de leur savoir faire en matière de répression pour écraser ses opposants.

On peut dire qu’état et société divisée en classes antagonistes sont indissolublement liés ; l’un ne peut pas exister sans l’autre et toutes les révolutions qui ont essayé de transformer la société, de la rendre plus démocratique, plus égalitaire en conservant l’appareil d’état ont échoué et ont abouti à la création de systèmes d’oppression effroyables. Une nouvelle classe dirigeante apparaît à la place de l’ancienne mais pour l’immense majorité de la population rien ne change.

Pendant des siècles , les états se sont principalement appuyés sur la force pour régner mais les états modernes ont su évoluer et ils préfèrent maintenant donner le change en masquant leur dépendance par rapport aux classes dominantes. Pour cela, ils ne lésinent pas sur les moyens et ils se donnent un aspect plus ou moins social. L’état disent les gens, c’est la santé publique, la sécurité sociale, les caisses de retraite,la justice, la police et l’armée qui nous protègent de nos ennemis, c’est le RSA et les aides sociales... l’état protège les faibles est un cri général. Tous ces braves gens oublient que l’état ne produit rien, il se contente de redistribuer ce qui est produit par les travailleurs, il prend à tous (même les plus pauvres payent des impôts) pour redonner à certains et au final ce qu’il donne aux couches les plus pauvres est peu par rapport à ce qu’il donne aux classes dominantes : sécurité, prestige, pouvoir et argent sous forme d’aides ou de marchés.

Nous anarchistes nous voulons construire une société réellement égalitaire, sans classes antagonistes, sans exploitation de l’homme par l’homme et nous pensons que toutes ces fonctions dites« sociales » qui contribuent à rendre la société moins inégalitaire actuellement gérées par l’état peuvent sans problème être confiées à des organismes directement issue de la société civile, directement autogérés par les populations. Nous voulons supprimer définitivement tous les organes étatiques qui ont pour simple but de nous priver de nos libertés, qui font de nous de simples numéros, juste bons à travailler , à consommer, et à payer et qui décident à notre place ce qui est juste et bon pour nous et la société. Nous sommes grands, nous sommes adultes et nous voulons reprendre la maîtrise de tous les aspects de notre vie. Une autre société est possible : il ne dépend que de nous d’entreprendre sa construction mais auparavant il nous faudra nous débarrasser de l’état.