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Lutte de Vendangeurs espagnols exploités en Champagne

Publié le 7 janvier 2023

C’est l’histoire d’un groupe de 53 travailleurs espagnols. Ils sont chômeurs, ils sont très pauvres, quelques-uns sont presque SDF. Un jour, sur les réseaux sociaux ou par le bouche-à-oreille, ils apprennent que Moët et Chandon, recrute des vendangeurs pour ses vignes de Champagne. Ils s’informent auprès du recruteur : oui, c’est vrai, Moët recrute en urgence des vendangeurs ! Le travail est rémunéré en fonction des quantités récoltées, on peut gagner de 800 à 1300 € pour 8 ou 9 jours de travail, le voyage aller-retour est payé par Moët, l’hébergement ? C’est quasiment du luxe, la nourriture ? Excellente. Je suis végan dit l’un, je suis musulman dit un autre, pas de problème, il y aura de la nourriture halal ainsi que pour les végans. La couverture santé ? Elle est super.

Les voilà partis dans un car fourni par Moët. À leur arrivée, ils doivent signer le contrat ; ils connaissent très mal le français et il n’y a pas de traducteur : ils signent ; plus tard, ils s’apercevront qu’ils ont par contrat renoncé à la couverture santé. Puis de suite, la vendange qui s’annonce somptueuse n’attend pas. Aucun, sauf un n’a jamais participé à une vendange. Ils ne comptent pas les paniers récoltés et ils ne verront jamais de relevés de leur récolte. Les végans et les musulmans s’aperçoivent vite que rien n’est prévu pour eux. Ils se mettent en grève. Un vendangeur tombe malade, un Doliprane, c’est suffisant. Au bout de quelques jours, la récolte est finie. Au moment de monter dans le car, ils réclament leur fiche de paye et l’argent : tout ça va vous être envoyé en Espagne leur répond-on ! Ils acceptent de partir.

Une fois en Espagne, ils constatent que les rémunérations versées (elles s’étagent de 238€ à 732€) ne correspondent absolument pas à ce qui leur avait été annoncé. Ils forment un collectif, puis prennent contact avec la CNT-AIT. Un dossier est monté, lettre à l’inspection du travail et à l’employeur, MHCS ; réponse de ce dernier : tout a été fait dans les règles, le rendement de l’équipe a été largement inférieur à celui des autres équipes, les salaires versés correspondent au minimum au SMIG etc.

À prés analyse du dossier, et compte tenu de la faiblesse des enjeux financiers, seule la voie de l’action directe nous semble raisonnable : Moët et Chandon est une filiale de Louis Vuiton, quelques piquets devant des magasins pourraient suffire à les faire lâcher… Là, nous découvrons vite que le collectif des travailleurs s’est dissous, aucun travailleur ne veut engager la lutte. Comment défendre des gens qui ne veulent pas se battre ?
Pourquoi ce renoncement ? Clairement, ces travailleurs, d’abord indignés par la manière dont ils avaient été traités, malgré, dans un premier moment, la constitution en collectif, pourquoi n’avaient-ils aucune volonté de se battre ? Simplement, ils n’avaient pas conscience d’appartenir à la classe des travailleurs, avec tout ce que cela implique. Ils n’ont pas vu la force qu’ils représentaient, la puissance que donnent la solidarité, l’entraide, le moyen d’action extraordinaire que constitue l’action directe. Toutes ces choses ne sont, bien sûr, pas innées, elles s’apprennent et c’est bien parce que les syndicats dont c’est la tâche essentielle n’ont pas fait ce travail d’éducation, que, dès les premières difficultés, ils se sont enfuis comme une volée de moineaux. Rien d’étonnant puisque les syndicats de service, répètent à l’envie « laissez nous vous représenter, nous allons défendre vos intérêts dans le cadre de la loi, nous nous occupons de tout ». Cette politique a développé dans la classe laborieuse une mentalité d’assistés, l’histoire de ces vendangeurs en est une fois de plus la preuve.

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