Abolir l’État

Publié le 27 avril

Peut-être conséquence de la situation du monde aujourd’hui, les questionnements sur l’État, son origine, son rôle… suscitent de nouveau l’intérêt. Conférences, articles dans des revues ou dans des grands quotidiens, se multiplient. Pour nous, anarchistes, la question est tranchée : l’État est l’ennemi du genre humain.

Pendant des centaines de siècles, les hommes ont vécu « sans foi, sans loi, sans roi » (c’est ainsi que les « conquistadors du nouveau monde » qualifiaient les tribus primitives qu’ils découvraient) dans une relative harmonie avec le milieu naturel ; la taille des populations était adaptée aux ressources offertes par la nature (si les sociétés primitives sont responsables de la disparition de quelques espèces animales, elles n’ont pas pendant toutes ces durées immenses causées de dégâts majeurs aux écosystèmes).

Puis, il y a quelques dizaines de siècles, est apparu l’État, les sociétés humaines jusqu’alors non hiérarchisées se sont divisées entre dominants et dominés, entre exécutants et dirigeants. Nul ne sait pourquoi les humains ont choisi à un moment de leur afin de se donner des maîtres, mais ce dont on est sûr, c’est que cet évènement n’avait rien de fortuit, car il a coïncidé avec nombre d’innovations, tant sociales que techniques qui ont révolutionné la vie des sociétés humaines.

Les historiens ont largement décrit et commenté ces innovations, mais ils ont peu insisté sur le fait que la naissance des états avait à voir avec l’apparition des inégalités de richesse entre les humains. Non seulement, les sociétés se sont divisées en dominants et dominés, mais concomitamment entre riches et pauvres, entre propriétaires de richesses matérielles et propriétaires uniquement de leur force de travail. La simultanéité de ces deux évènements, apparition de l’État et apparition de l’inégalité, n’a en soi rien d’étonnant : il est impossible d’imaginer une société divisée entre riches et pauvres sans l’existence d’une institution chargée de protéger les riches du légitime appétit des pauvres. Remarquons que si une société divisée en classes est impossible sans État, l’inverse est également vrai : une société organisée autour d’un État est nécessairement divisée en classes antagonistes.

L’histoire nous en a donné suffisamment d’exemples ; chaque fois qu’un État a essayé d’abolir les classes sociales, en nationalisant par exemple la totalité des richesses, on a assisté à partir des personnels liés à l’État à la recréation d’une classe dominante régnant sans partage sur le reste de la société. C’est que la fonction première de l’État est de défendre ses intérêts, donc ceux de la classe dominante, de protéger les riches de l’appétit des pauvres.

Le fait que l’État moderne ait ajouté à ses pouvoirs traditionnels (pouvoir de faire les lois, de les faire appliquer et de sanctionner les infractions à la loi) des fonctions sociales, se donnant ainsi une apparence de bienfaiteur des pauvres, ne change rien à sa nature profonde. En redistribuant aux classes pauvres une partie des richesses indûment captées par les classes riches, l’État ne modifie en rien la hiérarchie sociale : seule la méthode change, le but reste identique.

Dans la vie des sociétés humaines, l’apparition de l’État et des inégalités a donc marqué le début de la guerre des classes et de la guerre des États entre eux. Pour remplir sa fonction de protection de la classe des exploiteurs contre les menaces tant intérieures (révolutions sociales) qu’extérieures (ambitions des états concurrents), l’État compte d’abord sur la force ; c’est de sa force, de sa puissance que dépend sa crédibilité. Or la force d’un État est d’abord fonction de l’importance de la population qu’il contrôle et c’est bien pour cela qu’il va par tous les moyens chercher à augmenter sa population.

On sait que la croissance de la population diminue avec l’amélioration des conditions de vie, le développement de l’instruction et le recul de l’influence des religions ; les États vont donc mettre en place des politiques natalistes, criminaliser l’avortement et les méthodes contraceptives et surtout par le biais de la religion, exalter la famille et la maternité.

Ces politiques, tout au long de l’histoire ont pleinement montré leur efficacité, car alors que pendant les premières époques de l’humanité, la population mondiale ne s’était accrue que très lentement, on assiste depuis la création des états à une croissance continue et à une formidable accélération depuis deux siècles. D’un milliard en 1800, aujourd’hui, plus de huit milliards d’individus habitent notre terre, dont une grande majorité a été transformée en consommateurs depuis l’invention catastrophique du capitalisme.

Pour satisfaire l’inarrêtable appétit de marchandises de ces foules, tous les moyens de production ont été industrialisés à outrance et cette industrialisation s’est faite et se fait aux dépens de la nature et de la biosphère. Aujourd’hui, les grands équilibres naturels qui sont à la base de la vie sur notre planète menacent d’être rompus et les dirigeants politiques, enchaînent forums et conférences, établissent des plans et promulguent des lois qui toutes ne visent en réalité qu’à pérenniser le système actuel.

Énergies soi-disant vertes, voitures électriques et autres gadgets qualifiés d’écologiques ne sont que les hochets que les gouvernants, effrayés par les menaces qui s’accumulent, agitent devant les yeux des populations pour leur faire croire que la situation est sous contrôle, que le pire n’arrivera pas.

En fait, toutes ces gesticulations n’ont pour objectif que de nous faire oublier que tout ce qui arrive est la conséquence nécessaire de l’organisation de la société et que l’État qui se présente comme la solution est en réalité le problème. Ce n’est qu’en transformant radicalement ce système, en abolissant l’État et les inégalités, que l’on pourra mettre en œuvre des solutions, d’écologie radicale et libertaire qui permettront à l’humanité d’échapper aux catastrophes annoncées.