A propos de l’Éducation
Publié le 27 avril
L’article « Faire avec l’école pour notre projet anarchiste »paru dans AS 185 appelait à un débat. Voici donc ma contribution à l’amorce du débat.
1. L’éducation concerne chaque personne.
Chacun de nous a eu, a ou aura un vécu personnel avec l’institution scolaire. C’est même souvent le rapport émotionnel qu’on a, ou a eu, avec elle, qui construit notre représentation du système scolaire, ce qui souvent, implique que les personnes qui se sont senties exclues ou qui l’ont été, continuent à l’être, en tant que citoyens, laissant le champ libre aux « experts » que seraient les politiques qui se passent d’ailleurs de ceux qui ont une expertise : les enseignants !
Je crois que l’éducation doit être une des préoccupations premières que les anarchosyndicalistes doivent prendre à bras-le-corps. Débattre, et construire des propositions autour du sens d’un projet éducatif cohérent et conforme à leurs aspirations émancipatrices et libertaires.
2. Alors que Blanquer n’est plus ministre, mais que sa réforme s’applique et s’amplifie chaque jour davantage, quels sont les parents qui connaissent les phases du recyclage des élèves qu’induit « Parcoursup »qui permet également à 10 % des bacheliers d’être privés de l’accès à l’enseignement supérieur alors que l’obtention du Bac le leur donne de droit ?
Quels sont ceux qui savent qu’à la rentrée, le tri sélectif va se mettre en place dès la sixième et cinquième du collège par le biais des groupes de niveau et va se préparer dès l’école élémentaire, pour se poursuivre au lycée ? Qui sera dans la poubelle bleue ?
Qui sait qu’au moins 23 % des personnes qui « enseignent » aux enfants sont des contractuels sans formation, recrutés au mieux par France Travail, mais aussi par les sites internet de petites annonces « Le Bon Coin » et autres du même acabit ? Exemple : dans un collège de Haute-Garonne, à la rentrée, un contractuel enseignait la technologie. Aujourd’hui, il enseigne l’histoire dans le même collège !
Personnellement, je ne suis pas capable de dire ici, sur quelle base sont recrutés ces contractuels, mais, je suis capable d’affirmer que chaque fois qu’un parent, qu’un élève croit s’adresser à un enseignant, il doit d’abord se demander à qui il a affaire !
Bref, actuellement, le gouvernement tente de mettre un adulte face à une classe, pas forcément un enseignant.
Le saviez-vous ? Depuis Blanquer, 12 000 postes d’enseignants diplômés ont été fermés !
3. Par sa formation, l’enseignant acquiert une expertise sur la/les pédagogie(s), sur la conduite d’une classe forcément hétérogène, sur la connaissance des ressorts à mettre en place pour que l’enfant devienne élève, c’est-à-dire qu’il soit en capacité d’apprendre pour lui-même et en coopération avec les autres… Cette formation basique est elle-même de plus en plus grignotée en durée et au profit de recettes de formatage tant aux savoirs qu’aux devoir-être plutôt qu’ aux savoir-être.
4. Le projet éducatif d’économie libérale est de plus en plus lié aux demandes patronales : il s’agit d’assurer un réservoir toujours plus large et flexible de travailleurs précaires, peu éduqués à penser, c’est-à-dire capables de critiquer, de créer seul et collectivement, et, au final, d’imaginer collectivement un autre futur et de le construire. Imposer le déterminisme social et le mérite républicain, est donc un bon moyen d’éviter la lutte collective.
5. Pour moi, l’enseignement privé sous contrat n’a pas sa place dans un projet d’éducation nationale, mais, il fait quand même partie du problème. Pour information, les écoles privées sont financées à, au moins, 75 % par l’état et les collectivités territoriales. : Salaires des enseignants, coût de fonctionnement par élève, subventions diverses allant de la réfection, voire de la construction de locaux à la participation à des projets « pédagogiques » spécifiques. Ce financement des écoles privées prive l’enseignement public des moyens de sa mission première d’instruction de tous, au profit d’une seule mission sélective.
De plus, l’état finance à 90 % la formation des personnels du privé, lui-même à 96 % catholique, et, cette formation « libre » de tout contrôle d’état dans ses contenus est seulement soumise à l’accord du diocèse !
6. Militariser la jeunesse : Le Service National Universel sera généralisé sur temps scolaire. Ce qu’on a pu voir des expérimentations fait peur : Des jeunes de collège et même de quelques classes primaires, apprennent, en treillis et dans l’établissement scolaire, à faire des clés de bras et à poser des bracelets/menottes à leurs camarades. Bien sûr, dans la joie, le jeu et le rire, chacun apprend à se soumettre à l’autorité en uniforme et à soumettre le copain à l’autorité qu’a donné l’uniforme tout en apprenant à « détecter » le délinquant, le terroriste ! Quand la violence de l’uniforme est légitimée à l’école, par le cadre du SNU, c’est qu’on a déjà franchi la limite du respect de la conscience individuelle et qu’on est déjà en train de raconter, d’écrire une autre histoire bien inspirée celle-là du « maréchal nous voilà » !
Macron-Attal-Belloubet viennent de sortir le stage en entreprise obligatoire en seconde. Si le jeune et sa famille disposent d’un réseau, le jeune pourra trouver une entreprise d’accueil pour l’effectuer. Si sa famille a du réseau et de l’argent, il pourra l’effectuer à l’étranger. Si malgré toutes ces possibilités, l’élève ne trouve rien, il pourra faire un stage SNU en lieu et place du stage entreprise !!! Quels sont les élèves qui vont faire du SNU en lieu et place du stage entreprise ? Quelle est la proportion d’élèves du privé et du public qui feront le stage SNU ?
Enfin, quel est le sens de ce « U » pour universel ? C’est avant tout un contresens : Cet « Universel » est national, voire nationaliste et va à l’encontre de la liberté de conscience qui elle, comme valeur universelle, doit s’exercer, en tant que droit de l’humain, sur l’ensemble de la planète. À moins, qu’en bonne dictature impérialiste, la France ne demande un SNU sur l’ensemble de la planète… Bon, il est vrai que nombre de « démocraties » utilisent déjà leur SNU maison pour contenir une jeunesse qui pourrait se rebeller. (Grèce, Finlande, Danemark, Autriche, Estonie, Norvège, Chypre, Russie, Suisse, Ukraine, Israël, et 85 autres pays non-inclus dans les républiques totalitaires dans lesquelles la militarisation de la jeunesse est constitutive du régime.)
Voilà, pour faire court, et sans développement, quelques-uns des questionnements que j’aimerais voir aborder dans un forum sur l’éducation, lequel pourrait déboucher sur une brochure.
Josette, Montauban