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UNE SIMPLE HISTOIRE DE SIGLE

Publié le 27 février 2006

Baptisé par ses créateurs "Contrat Première Embauche", le CPE a gagné d’emblée dans la population sa véritable dénomination : "Contrat de Précarité Extrême". Dans la marche descendante aux enfers de la précarité et de la surexploitation, le CPE est le nouveau degré que le gouvernement est en train de franchir.

Cependant, si le sigle est nouveau, la chose ne l’est pas. Quand ceux d’entre nous qui sont sur le marché du travail depuis plusieurs années font leur CV, tout ce qu’ils ont à indiquer, c’est la longue liste des sigles par lesquels ils sont passés ! Des TUC (inventés par la gauche) aux CPE (inventés par la droite) la litanie de l’exploitation est fort longue. La raison de cette accumulation de sigles est simple : faute de produire de la justice ou de la liberté, chaque gouvernement produit ses lois, ses règlements, augmente l’oppression et invente les sigles qui vont avec.

Masquer périodiquement, sous un sigle nouveau, une vieille pratique est une habitude consubstantielle à la démocratie bourgeoise. Il importe au pouvoir qu’elle ne soit pas reconnue comme telle. Pour cela, il faut qu’il y ait des gens qui la présentent comme une grande nouveauté, que ce soit pour l’approuver ou pour s’en indigner.

Quand les médias et les syndicats nous informent sur les projets gouvernementaux (type CPE), ils sont dans ce rôle. Ne croyons pas que cela les révolte, non, les uns se contentent d’amplifier l’action du gouvernement, les autres de la critiquer mollement. Constatons également que plus ils nous informent, plus ils critiquent et plus nous sommes impuissants. C’est pourquoi les nouvelles mesures succèdent de façon quasi-ininterrompue aux déjà anciennes (parfois vieilles d’à peine quelques mois), dans un climat de résignation.

On peut gloser pendant des heures sur cette impuissance et cette résignation, mais allons droit à l’essentiel. Ce à quoi nous assistons, ce n’est ni plus ni moins qu’un subtil exercice d’équilibrisme politique. Si à droite les uns se font les porte-paroles directs du capitalisme, ils n’y a guère à gauche que des "faire valoir" de l’État. Telle une acrobate munie de sa perche, la démocratie bourgeoise avance ainsi à son rythme, préservant son centre de gravité, sauvant ce qui est pour elle essentiel : le droit qu’elle s’est attribué de légiférer à tort et à travers, de jour et de nuit, envers et contre nous.

Et c’est bien là qu’est le problème. L’information telle qu’elle nous est donnée, qu’elle soit commentée par les médias ou bien par les experts du syndicalisme, nous enferme dans un faux débat. Il en est en effet du "droit" comme de "dieu". Quand le débat porte sur la nature de dieu, c’est que l’on admet son existence. Quand le débat porte sur la nature d’une "loi sociale", c’est qu’on ne conteste plus la fonction du "droit social". C’est que l’on oublie -ou qu’on fait semblant d’oublier- que la fonction du droit dans la démocratie capitaliste, c’est toujours de légitimer l’exploitation. Voici ce qui explique pourquoi l’information n’exclut pas l’impuissance puisqu’elle nous désigne les effets et nous masque la cause. De là vient que, même lorsque la mobilisation est réussie, gigantesque même comme elle l’a été en 1995 (contre les lois Juppé), les réformes sont à peine retardées et passent un peu plus tard, éventuellement sous un autre nom, un autre sigle.

Aujourd’hui, avec le CPE, c’est reparti. Avec la même absence d’analyse globale que les fois précédentes. Avec les mêmes méthodes d’information et de mobilisation. Et, si rien ne change, avec le même "résultat".

Les propos des syndicalistes, gauchistes et partis de gauche concernant le nouveau sigle de l’exploitation ne laissent aucun doute sur leurs intentions réelles. Oui, le CPE ajoute un tour de vis supplémentaire. Mais, à les entendre, on dirait que la vie des "employables", n’était pas déjà soumise aux diktats du capitalisme. Pour peu, ils affirmeraient que le droit du travail a évité jusqu’à présent les délocalisations, les licenciements massifs ou la misère sociale. Et que grâce à l’ancienne "protection des travailleurs" il n’y avait pas d’accidents mortels sur leurs chantiers. Pour couronner le tout, ils essayent d’entretenir l’illusion qu’un jour, faute de messie, un gentil gouvernement appliquera enfin une bonne législation, qui, cette fois, desservira les patrons et donnera l’avantage aux salariés. Pour cela, ils réécrivent l’histoire. Un exemple tiré d’un tract gauchiste : “Dominique de Vile-pin, ose prétendre rompre avec ‘les logiques de partage du travail qui ont échoué’ depuis près de trente ans. Quel cynisme, alors que la seule mesure de partage depuis 1981, la loi sur les 35 heures, a été vidée de toute substance par l’UMP, tout en renforçant son volet sur la flexibilité !". Enorme escroquerie : la loi sur les 35 heures nous est présentée comme une loi de "partage". Alors que son seul objectif était de faire avaler à tous les salariés la pilule de la flexibilité. Objectif qu’elle a d’ailleurs parfaitement atteint (merci la gauche).

C’est un exemple entre mille, car, pour soi-disant lutter contre les CPE, il n’y a pas beaucoup de discours aujourd’hui sans le couplet sur les bienfaits du droit du travail, comme hier il n’y avait peu de tracts sans le refrain du service public dans un État capitaliste. Comment s’étonner, si après ces illusions viennent d’autres tentatives de mobilisations mystificatrices ? Déjà on nous parle de l’UNEF et de "syndicats lycéens" comme de mouvements de jeunes ! Comme si personne ne savait qu’il s’agissait de coquilles vides. Comme si personne ne se doutait que main dans la main avec la CGT et toute la gauche institutionnelle, leur objectif, c’est les présidentielles de 2007 et le maintien de cette "démocratie" représentative qui nous impose justement cette société mortifère.Nous ne nous délivrerons de l’exploitation, de l’oppression que lorsque nous nous débarrasserons de ces illusionnistes. Alors, face à ceux que seule la prise du pouvoir intéresse, couplet pour couplet, préférons chanter le nôtre : abstention massive, désobéissance générale et grève illimitée.

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