Des Assemblées populaires à la Révolution
Publié le 18 juillet 2011
Le mouvement de contestations des indignés qui s’est
déroulé ces dernières semaines nous semble porter en son
sein le germe d’une révolution possible, dans tous les cas,
d’une émancipation des individus et d’une réappropriation de
leur part de leur vie propre et du fait politique.
Du sens par les actes
Ici les termes retrouvent leurs
sens, ainsi le mot de politique par
exemple recouvre sa pleine définition
: il est la vie de la cité. En « prenant
les places publiques », leitmotiv
de ce mouvement, les individus se
réapproprient la chose publique, la
res publica, la république.
A Toulouse par exemple, des
assemblées parfois de plus de trois
cents personnes se sont tenues tous
les soirs pendants quelques semaines.
Spontanément, des individus
libres de tout parti politique et de
syndicat se sont réunis sur la place
du Capitole, et cela pour parler
Politique avec un grand P. Pour s’interroger
sur les problèmes de tous
et de chacun, élaborer, construire et
échanger ensemble.
L’image est forte, pleine de symboles,
porteuse d’avenir. Dressés
comme un seul Homme devant la
mairie, bâtiment témoin de la
bureaucratie dite représentative, des
gens du Peuple se sont imposés
d’eux-mêmes. Défiant l’autorité et
l’interrogeant intrinsèquement sur
son rôle et son utilité. Le fait à lui
seul est une balafre portée au visage
de l’institution bourgeoise. Là encore
les mots retrouvent leurs sens car
la Démocratie c’est le pouvoir au
peuple, et en ces jours, le peuple
était son propre pouvoir. Sans
médiateur ou usurpateur. En ébauche
peut-être. Mais la Démocratie
était là.
De la forme et du fond
Et puis il y a le fond, le pourquoi.
Là encore l’initiative est porteuse
d’avenir. Ici le facteur déclencheur
n’est pas une simple réaction
à une énième attaque du système
capitalo-étatique sur telle ou telle
corporation spécifique. Non, ici, les
individus ne sont pas regroupés
pour défendre leurs intérêts directs
propres, mais par solidarité avec
d’autres personnes. Clairvoyants, et
conscients que les méfaits du capitalisme
ne connaissaient pas de frontières,
ils se sont levés en réponse
aux luttes de leurs frères et soeurs du
monde entier.
Une spontanéité et un élan de
générosité que le peuple s’offre à
lui-même au détriment des politiques
et du capital. Comme les
Etats, les notions de frontières ne
sont que des mythes, et ici nous les
voyons s’émietter.
Par le peuple, Pour le Peuple
Les individus se réapproprient
leur dignité, réapprennent à faire par
eux-mêmes et avec les autres. Ils
prennent leurs responsabilités et se
concertent avec leurs compagnons.
Vigilants, ils le restent quant à maintenir
leur liberté et leur indépendance
de pensée et d’action. Dans ces
rassemblements aucun drapeau,
aucune récupération politique.
Même s’il faut rester prudent. Nous
avons pu voir roder la bête. Jetée par
la porte, elle a tenté sa chance par la
fenêtre. Sous couvert de visibilité et
d’efficacité, des politicards patentés
ont voulu reconstruire un organe
centralisé et hiérarchique autour
d’un mot d’ordre commun : le leur !
Mais ce petit peuple dans la rue
a gardé son autonomie. Solidaire
avec les mouvements qui ont traversé
les autres villes, il a su entamer un
dialogue et échanger les expériences.
Sans tomber dans le piège de
l’uniformisation, ce mouvement des
Assemblées populaires a su conserver les différences et les spécificités de
chacun. Il a dit oui à la solidarité mais
non à sa perte de liberté et d’autonomie.
Gardant sa souveraineté, chaque
assemblée a su être sa propre et unique
représentante. Empêchant en cet
endroit un coup de force des récupérateurs.
Un projet de société, un Autre futur
Alors oui, ce mouvement est pertinent,
pour l’ensemble de ces raisons et
bien plus encore. Il est de fait une
remise en cause de la représentativité.
Il apparaît que faire la politique est le
problème de tous en non d’une élite
qui ne sert qu’à elle. Ce mouvement
interroge sur la réalité des choses, sur
leurs fondements profonds. Il remet
en lumière le sens des mots et il donne
réalité, véracité et honneur aux principes.
Aucun chef, leader ou représentant,
aucun porte-parole et pourtant ce
mouvement a réussi à montrer qu’il
était capable de vivre et de porter sa
propre dynamique. Il a su sortir du
cadre de la contestation institutionnalisée
et admise. Vif et incisif il a
débordé la cinquième colonne garante
de la pérennité du système capitaliste :
les partis politiques et les syndicats. Et
puis, enfin, il a été pour ceux et celles
qui y ont participé, une expérience
humaine, des moments forts, où les
consciences de chacun ont pu évoluer
de jour en jour.
Loin d’être parfait, ce mouvement
n’en est qu’à ses balbutiements. Des
erreurs et des imperfections ont été
commises mais on n’apprend pas à
marcher sans tomber. Et puis, après
des siècles de soumission à un État
voyou, le soleil de la liberté peut brûler
les yeux. Il faut le temps que la rétine
s’adapte. Néanmoins ce mouvement
est nouveau et porte, tant dans le fond
que dans sa forme, les ébauches d’une
société nouvelles.
Kévin