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La France des "assistés" : c’est celle des exploiteurs !

Publié le 15 août 2011

C’est bien la première fois que nous empruntons un
titre au Figaro. Enfin, la première partie d’un titre,
car, pour ce qui est de la seconde, nous en assumons toute
la paternité. Retour donc, pour commencer, au Figaro.
Voici quelques jours, les kiosques à journaux vomissaient une
affichette au slogan accusateur : « La France des assistés ». Sur le « visuel
 », un type, dans la trentaine, mal rasé se prélasse dans un hamac
bleu-blanc-rouge. Photo politiquement correcte donc, puisque le
Figaro a précautionneusement évité de photographier une femme,
un handicapé, une personne âgée [1]… sans toutefois aller jusqu’à
photographier un « gaulois » blond, rose et joufflu : le politiquement
correct a ses limites, et le type de la photo est bien brun, mat, même à
la limite du basané (les lecteurs du Figaro pourront fantasmer sur ses
origines…). L’impertinent a le cul posé sur le drapeau national [2].

Dans l’enthousiasme général

Quant à l’article que cette
affichette illustre il commence par
vous en apprendre une bien bonne
sur vous, oui, sur vous. Vous ne le
saviez même pas, mais vous avez été
enthousiasmé. Par quoi ? Mais par
l’idée ab-so-lu-ment géniale d’un certain
Wauquiez : faire travailler les
assistés ! C’est écrit en toutes lettres :
« Laurent Wauquiez a enthousiasmé l’opinion,
lasse de déverser toujours plus d’argent
dans le puits sans fond de la solidarité
nationale ». Et l’opinion, c’est vous,
c’est moi, c’est nous.

Aveugles que nous sommes à la
rédaction d’Anarchosyndicalisme !. Nous
nous sommes polarisés les quelques
poignées d’agités discutant sans fin
dans des assemblées populaires, et
nous n’avons pas su voir les innombrables
foules en liesse, déferlant avec
un enthousiasme sans cesse renouvelé
dans les rues de nos quartiers chics,
acclamant l’Idée de ce « brillant jeune
homme de la droite française (député à 29
ans, ministre en 2007, à 32 ans), … animateur
d’un courant « social » [3] au sein de
l’UMP » qui affirme, péremptoire,
« J’ai dit tout haut ce que tout le monde
pense tout bas » [4].

Las, ce « premier de la classe »,
pour brillant qu’il soit, démontre ainsi
qu’il a au moins une lacune grave : il
ne sait pas compter. Car il en manque,
des gens, pour que tout le monde
pense comme lui… Il aurait été plus
exact qu’il dise « un certain petit
monde »...

Il n’y pas que les écrans qui soient plats

Voyons maintenant le reste de l’article.
Un survol suffira, car, dès les
premières citations, vous avez compris
la tonalité de la suite : les français
« assistés » sont des fainéants, vautrés
sur « un gros sofa face à un immense écran
plat qui ronronne en permanence ».
Toujours à la pointe de l’info, le Fig’
sait trouver « the » détail : l’écran est
plat. Signe extérieur de richesse [5] ! A
ce niveau « d’information », il n’y a
pas que l’écran qui soit plat [6].

Ne soyons pas mesquins cependant.
Nous comprenons à la lecture
de l’article, que seule une méconnaissance
involontaire des milieux populaires
n’a pas permis à l’auteure
d’affiner son analyse. Aidons-la.
Livrons lui la vérité : non seulement
« le » pauvre est vautré à longueur de
journée dans un « gros sofa » (en fait,
une modeste banquette clic-clac de
chez Emmaüs, qui sert aussi au
couchage des enfants), non seulement
il fait face à un « immense écran plat »
coincé entre la penderie et la porte
des chiottes de son vaste HLM de 32
mètres carrés avec vue sur le périphérique, mais ce salopiau ne se
contente pas de contempler l’écran plat
en tant que tel. Aussi incroyable que
cela puisse vous paraître, chers amis du
Figaro, en plus, il REGARDE les émissions
 ! Maintenant que nous l’avons
munie de cette information inédite,
nous attendons la réflexion de la brillante
journaliste (tout le monde est
brillant au Figaro) sur la question qui
en découle inévitablement : l’avachissement
« du » pauvre, ne serait-il pas, par
hasard, éventuellement et sous toutes
réserves une conséquence directe du
crétinisme notoire du paysage télévisuel
français ? On tremble de le
savoir…

Le RSA à 2755 euros par mois

Autre morceau de bravoure, la
dénonciation du RSA qui rapporte
« jusqu’à 2 755 euros de revenus mensuels ».
Vous avez bien lu : du RSA à 2 755
euros par mois. Ce n’est pas une revendication
du NPA, ce n’est pas un dérapage
verbal de la CGT, c’est une affirmation
du Figaro. On attend la suite,
ici aussi, avec impatience : vite, vite des
chiffres, des noms ! Oui, le Fig’, dis-nous
tout de suite combien « d’assistés »
touchent 2 755 euros par mois et qui
sont-ils (des ex-ministres en recherche
d’une nouvelle planque ?) ! Dans l’attente,
le constat est manifeste : nous
n’évoluons pas dans le même monde.
Dans le monde du Figaro le RSA frôle
les 3 000 euros. Dans le mien, dans
celui de tout le monde, les « profiteurs »
du RSA tournent autour de 600 euros
pas mois, quant ils parviennent à le
toucher, ce fameux RSA… Mais ce
n’est pas la réalité qui arrête la charge
du Figaro. Il en rajoute une couche, en
affirmant que tout ça c’est « sans compter
la liste incalculable des aides locales
 »…

Alors là, je vous arrête, Madame du
Figaro, d’abord, la liste est tout à fait
calculable, et puis, par expérience,
toutes les aides locales cumulées, ça fait
pas grand-chose ! Enfin, largement
moins qu’un bon repas arrosé au
Fouquet’s

Tribune libre pour les délinquants

A ce stade, si vous êtes au bout de
votre indignation, vous n’êtes pas au
bout de vos surprises. Car le reste de
l’article contient bien d’autres perles,
en particulier un vibrant éloge de l’escroquerie.
Ainsi, pour attirer les
fainéants vers le travail, le Figaro
affirme, en valorisant ce propos, que
« Dans les bons jours, on repart avec de grosses
enveloppes de black. » [7]. Que les « grosses
enveloppes de black » constituent une
escroquerie caractérisée aux cotisations
sociales, aux impôts et aux intérêts du
travailleur… ne trouble pas le Figaro.
Que celui qui s’en félicite dans ses
colonnes soit, de ce fait, un délinquant
au sens le plus précis du terme pas
plus. Bel aveu, pour un journal qui ne
rate pas une occasion de promouvoir
l’Ordre et la Lutte contre la Délinquance…
manifestement à quelques
exceptions près !

Il y aurait bien d’autres choses à
souligner. Finissons-en par ce qui a
fait exploser de rire notre rédaction :
l’argument moral. Après cette longue
suite de billevesées, le Figaro nous
explique que toutes les mesures de
rétorsion contre les « assistés », finalement,
c’est pour leur bien, pour « lutter
contre la déprime et l’enfermement » !
Si c’est vraiment de lutte « contre la
déprime et l’enfermement » qu’il s’agit, nous
avons des propositions bien plus efficaces
 : par exemple offrir aux titulaires
du RSA une croisière sur le yacht de
Bolloré ou un long week-end dans une
île privée de milliardaire ou encore une
quinzaine dans la maison de campagne
du patron du Figaro… Et, s’il leur faut
d’autres idées, qu’ils n’hésitent pas à
nous consulter.

Mais qui sont les véritables assistés ?

Est-ce à dire qu’il n’y aurait pas
d’« assistés » dans ce pays ? Nous pensons
tout le contraire. Mais, ce ne sont
pas ceux que le Figaro tente de clouer
au pilori.

Les vrais assistés sont faciles à trouver
 : ils forment une petite caste qui
truste le pouvoir et l’argent, qui perçoit
des sommes faramineuses sans avoir
d’utilité sociale, qui décide (catastrophiquement)
pour tout le monde.

Quelques exemples

Les assistés des impôts

Sans être vraiment très nombreux,
il faut reconnaître que les assistés des
impôts y vont fort, pour sucer ! Un
seul chiffre suffit à le prouver : les
500 000 grands bourgeois de ce pays
(soit moins de 1 % de la population)
nous coûtent 15 milliards d’euros en
moyenne par an rien qu’en cadeaux fiscaux [8], sans compter, comme l’écrirait
le Figaro, la liste interminable des
autres avantages...
Ces 15 milliards sont volés sur les
impôts de tout le monde. En effet,
contrairement au mensonge savamment
distillé par les « élites » et sans
cesse inclus dans le non-dit médiatique,
des impôts, tout le monde en paye : la TVA frappe sans pitié les plus
petits budgets. Le gosse de banlieue
qui grâce au RSA de sa mère s’achète
un carambar paye dessus des impôts !

Alors, c’est qui, les assistés ?

Pour en rester aux impôts, quand
on fait le calcul, il ressort que globalement,
moins on gagne, plus c’est lourd.
Ainsi, une fois cumulées les différentes
catégories d’impôts (TVA, taxes diverses,
impôts locaux, nationaux...)
lorsqu’on a un salaire entre une et deux
fois le Smic, on paye de 40 à 50 %
d’impôts. La mère Bettencourt n’en
paye pas plus de … 6 % par an*8. Sans
compter que verser 50 % sur un petit
revenu n’a pas le même impact au quotidien
que de 6 % sur une immense
fortune. Dans le premier cas, c’est une
contrainte, dans le second, un fétu de
paille.

Les assistés familiaux

Et là ne s’arrête pas l’assistanat dont
bénéficie la caste des privilégiés.
Voyons ce qui se passe dans la
recherche d’un emploi, par exemple.
Quand la jeune Durand ou Dupont
cherche du travail, c’est à elle de courir
les agences d’intérim, de répondre aux
annonces, de passer les concours, de
frapper aux portes… bien chanceuse si
elle décroche un CDI de « technicienne de
surface » après son BTS de secrétariat
trilingue ou avec sa licence de lettres…

Mais, quand c’est le fils de Nicolas
S, de François F., d’un banquier, d’un
industriel, d’un people, tout change !
Vous en avez croisé souvent au Pôle
emploi, des comme ça ? Non, le fils à
papa, c’est l’assisté par excellence. Il n’a
pas de souci à se faire. S’il est irrémédiablement
nul, on le gardera dans l’entreprise
familiale (dans un poste de
DRH par exemple), on le placera dans
la haute fonction publique (un copain
ministre vous arrange ça en un coup de
cuillère à pot) ou on lui trouvera un
fauteuil pour le faire élire. Et s’il peut
tout de même travailler un petit peu,
c’est encore plus facile : le « poulain »
sera accueilli par une entreprise
« amie », à charge de revanche.

... et ceux qui nous gouvernent

Luc Ferry n’a même pas eu le
temps, au bout d’un an, de se rendre
compte que son « assistance » lui versait
un salaire d’universitaire (tout de
même un peu plus confortable que le
RSA, autour de 4 500 euros pas mois)
alors qu’il avait tout simplement
« oublié » de donner le moindre
cours… Quand un « profiteur » des
revenus sociaux à 600 euros par mois
reçoit quelques euros de trop, on en
exige le remboursement, et fissa.
Quand un fonctionnaire est payé pour
une tâche qu’il n’a pas remplie parce
qu’il faisait autre chose sans accord
préalable (Ferry est fonctionnaire et se
trouve dans ce cas), l’administration
exige un remboursement immédiat au
titre du « Service non fait » (c’est comme
ça que cela s’appelle). Mais, pour les
« assistés supérieurs », foin de tout cela.
L’Etat remboursera l’employeur (ici
l’université) avec nos impôts et passez
muscade.

Une autre qui a été bien assistée,
c’est Mme Lagarde. En principe, elle
était ministre de l’économie. En
principe car, à partir du 15 mai jusqu’à
sa désignation en tant que grande cheftaine
du FMI, Mme Lagarde s’est
largement consacrée à faire « Une campagne
éclair intense digne d’un chef d’Etat »
comme l’écrit avec emphase « Les
Echos » qui précise « De l’Inde à la Chine
en passant par le Brésil et l’Arabie saoudite,
Christine Lagarde a mené tambour battant sa
campagne pour défendre ses chances au
FMI. ». Ainsi, au lieu de
faire son travail à
Bercy, Mme
Lagarde courrait
de Calcutta à
Bejing en passant
par
Djeddah, pour
faire SA campagne
électorale.
Nous n’avons pas eu
connaissance que son
salaire – puisqu’elle faisait
autre chose - ait été suspendu pour
autant… quand à ses menus frais de
déplacement résultant de son zig-zag
dans le monde entier, nous craignons
fort de savoir qui les a payés : nous.

Celui que Rama Yade avait décoré
du titre de « Ceinture noire du ridicule »
vient d’entrer au gouvernement. David
Douillet, puisque c’est de lui qu’il s’agit,
a donné la pleine mesure de ses
capacités dès sa première conférence
de presse. On vous livre son propos tel
quel : « On peut surtout avoir des acquis que
l’on peut mettre dans tous les domaines possibles
et inimaginaux. ». La seule chose qui soit inimaginable, quand on lit une telle
déclaration, c’est l’importance de l’assistance
dont un tel individu doit disposer
pour devenir ministre !

Quand aux actionnaires et autres
patrons de quoi vivent-ils, si ce n’est de
l’assistance de ceux qui travaillent ?
Leurs salaires mirobolants, leurs stockoptions,
leurs parachutes dorés, leurs
retraites de platine... tout cela, les
exploiteurs, les profiteurs le tirent
d’une seule source : nos efforts. Il sont
les véritables assistés, des assistés de
luxe, ce qui ne fait qu’aggraver leur
insupportable poids.

X.F.

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