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IMMEUBLE MESSAGER - TOULOUSE - REYNERIE° : 17 MILLIONS D’EUROS JETÉS PAR LES FENÊTRES ?

Publié le 5 octobre 2014

Enfin, par les fenêtres, c’est une façon optimiste de voir les choses, parce que, si ce projet se réalise, des fenêtres, il n’y en aura même plus  ! Alors qu’à Toulouse des dizaines de milliers de personnes vivent dans des logements trop petits, indécents, précaires, surpeuplés ou sont carrément à la rue, les pouvoirs publics toulousains s’obstinent dans leur politique de destruction massive de logements sociaux en bon état. Cette fois c’est l’immeuble Messager (une des pièces maitresses du Mirail-Reynerie) qui est visé. Le coût de la destruction est pharaonique : 17 millions d’euros (auxquels s’ajouteront probablement d’énormes «  surcoûts  », habituels dès qu’il s’agit de travaux publics).

La seule question qui se pose est : n’y aurait-il pas mieux à faire avec cet argent  ? La réponse est oui, franchement oui, et nous allons le démontrer.

La triste rengaine des pouvoirs publics, tout le monde la connaît  : «  Il n’y a plus d’argent dans les caisses  ». Manifestement, pour commettre des actions nuisibles, il en reste  !

Au moment où les feuilles d’impôts locaux tombent avec de fortes augmentations, au moment où des restrictions frappent les budgets sociaux et les salaires (les contractuels municipaux viennent de perdre leurs primes  : 150 euros par mois environ pour des salaires niveau SMIC, d’autres contractuels ne sont pas renouvelés, ce qui fait autant de licenciements déguisés), sortir 17 millions d’euros pour détruire des logements en bon état, c’est franchement scandaleux  !

TOUS COMPLICES

Sur ce point, il ne faut pas se laisser embrouiller. Qu’on ne vienne pas nous chanter «  C’est pas moi qui paye, c’est l’autre  ». En effet, que ce soit le « grand » ou le « petit » Toulouse, la préfecture, une société HLM, une société d’économie mixte, ou le célèbre raton laveur de Jacques Prévert... en fin de compte, c’est toujours d’argent public qu’il s’agit.
Les tours de passe-passe pour faire passer le budget « destruction » d’une entité à l’autre n’ont aucune importance, ils ne sont faits que pour tenter de nous gruger et diluer les responsabilités.

L’IMMEUBLE MESSAGER, C’EST QUOI ?

Avant tout, c’est 250 appartements, souvent de grands appartements permettant à des familles nombreuses de se loger convenablement. Mais c’est loin de n’être que cela : comme toute la cité Reynerie, il a été pensé par l’architecte Candilis (un disciple de Le Corbusier) qui avait conçu un quartier agréable à vivre pour une population de cadres moyens, de techniciens et d’ouvriers, réalisant dans les faits cette fameuse mixité sociale qui fait l’objet de tant d’incantations aujourd’hui. Sur le plan architectural et urbanistique, c’est – pour qui aime ce type d’architecture et de cité – une réussite. D’ailleurs, quand la cité fut achevée, au milieu des années 70, le quartier reçut le « Laurier d’or de l’Environnement » et certains immeubles le « Laurier d’or de l’habitat ».

Les difficultés que traverse le quartier ne sont donc pas essentiellement dues à l’urbanisme mais à la paupérisation croissante qui y règne depuis une vingtaine d’années. De fait, au fil des ans, la population initiale du quartier a migré vers d’autres types d’habitat que lui permettaient ses revenus (villas, pavillons) et a été remplacée par des habitants aux niveaux de ressource beaucoup plus faibles (CDD, précaires, chômeurs…).

Détruire l’immeuble Messager ne résoudra en rien les problèmes de ces derniers. Cela ne fera que les aggraver. En effet, que l’on soit locataire ou propriétaire - souvent, au terme d’une vie de travail, des locataires ont fini par acheter leur appartement aux HLM, pensant y couler leur retraite -, une expulsion se traduira par des augmentations de charge sans augmentation de ressources bien évidemment…

Comme cela s’est passé pour la destruction des immeubles précédents, et compte-tenu du différentiel existant entre les prix dans ce quartier et dans le reste de l’agglomération, les propriétaires d’un appartement se verront offrir un prix d’achat ridicule qui, à la place de ce qu’ils occupent, leur permettra de s’acheter un studio, au mieux un T1 ou … un garage en ville.

Les locataires se verront proposer, comme cela a été également le cas lors des destructions précédentes, des appartements plus petits, aux loyers plus chers, aux charges plus élevées, situés parfois loin de tout transport en commun. Bref, de quoi aggraver les situations et faire basculer dans la misère des personnes âgées, des familles qui jusqu’à maintenant y arrivent tout juste - parfois grâce à la solidarité des voisins, ou au crédit que leur font les commerçants de la dalle, toutes choses qu’ils ne retrouveront pas nécessairement ailleurs.

Très conscients de cela, un groupe d’habitants de Messager tente de résister à la machine à mentir qui s’est mise en place pour légitimer les démolitions.

Mais, si ces démolitions sont manifestement nuisibles, pourquoi les pouvoirs publics s’obstinent-ils à les poursuivre ? Deux grandes raisons peuvent être avancées.

La première, c’est qu’à Toulouse au moins, pour tout ce qui concerne la vie dans les quartiers, la vision policière a pris le dessus sur toutes les autres. Les pouvoirs publics continuent mollement à subventionner quelques associations pour que le quartier se tienne tranquille, mais sans grande conviction ni innovation. Ce qu’ils privilégient, c’est la possibilité de répondre par une répression massive à toute velléité de révolte. C’est, à l’échelle du quartier, la célèbre politique du baron Haussmann contre les ouvriers parisiens. Avec une pensée aussi rétrograde, les problèmes ne sont pas près d’être réglés. C’est en tout cas sur cette base que se comprennent les démolitions déjà effectuées : les bâtiments qui communiquaient par des coursives et des dalles ont été systématiquement isolés les uns des autres. Ces immeubles peuvent maintenant être facilement encerclés, coupés du reste du monde si besoin. La destruction de l’immeuble Messager s’inscrit dans cette logique policière : tout d’abord, c’est un énorme bâtiment, difficile à encercler et à contrôler. De plus, la police est convaincue qu’étant élevé, il permet de « la voir venir »… ce fut peut-être vrai un temps, mai ce faisant, elle oublie qu’un commissariat a été construit de l’autre côté de Reynerie il y a peu d’années, et que de l’immeuble Messager on ne voit rien venir de ce côté ! Mais, quand ils ont quelque chose dans la tête…

La deuxième c’est justement, comme nous l’écrivons plus haut, que le prix du mètre carré est considérablement plus bas dans la zone Reynerie, Mirail, Bellefontaine, Bagatelle, La Faourette, Lafourguette que dans le centre ville et même dans le reste de la périphérie toulousaine. Au moment où ces quartiers ont été construits (début années 60 pour Bagatelle), ils étaient très excentrés : il y avait alors bien des terrains vagues et même des fermettes dans cette zone ! Aujourd’hui, l’extension de la ville (qui gagne environ 10 000 habitants par an) fait qu’ils sont maintenant considérés comme étant à la limite du centre. Et en plus, ils sont remarquablement bien desservis par le métro (cinq stations pour l’ensemble). De quoi donner des idées à des promoteurs, aux banques et autres requins de l’immobilier, non ?

A BORDEAUX, AVEC 52 830 €
ON A UN APPARTEMENT AGRANDI.
A TOULOUSE, AVEC 60 000,
ON N’A STRICTEMENT PLUS RIEN

Le « Grand Angle », quartier du « Grand Parc », à Bordeaux, à moins d’un kilomètre de la place des Quinconces, c’est un peu comme Messager, en deux fois plus grand (530 appartements répartis sur 2 barres de 225 logements et une de 80), en plus ancien (d’une bonne dizaine d’années), en plus vétuste. Tout comme pour Messager, les barres du Grand Angle sont qualifiées par les études « d’existants jugés a priori sans qualité et perçus négativement ». Et bien, que va-t-il se passer au Grand Angle ? Va-t-il être détruit ? Que nenni ! Tout au contraire  : la surface de tous les logements va être augmenté d’environ 20 mètres carrés en les « prolongeant par des jardins d’hiver et des balcons grâce à une charpente métallique extérieure greffée aux façades existantes offrant la possibilité, comme dans une maison, de vivre à l’extérieur tout en étant chez soi. Véritables jardins d’hiver, elles permettent un réglage bioclimatique des températures et font évoluer la performance énergétique globale des bâtiments au-delà de l’objectif BBC rénovation sans aucun ajout de produit isolant sur cette façade-là. Les travaux dureront de 20 à 30 mois. Le choix de l’extension par l’extérieur évite le déménagement des habitants pendant les travaux. ». Coût de cette intelligente rénovation : 28 millions d’euros, soit pas tout à fait 52 830 euros par appartement. Coût de la destruction de l’immeuble Messager : 17 millions d’euros, soit 68 000 euros par appartement. Vous ne croyez pas qu’il serait temps d’arrêter cette folie destructrice ?
Des habitants CNT-AIT des quartiers 

Pour en savoir plus : sur les destructions à Toulouse :
ouvriersgensdici.free.fr/ ,
Anarchosyndicalisme ! n°140 : « Grand projet de ville, arme de destruction massive de logements sociaux ». Sur le projet bordelais, voir le site « Aquitanis ».7